Vladimir Nabokov

NABOKV-L post 0021409, Tue, 1 Mar 2011 02:19:17 +0300

Subject
Oceanus Nox
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Forgot to mention that Herzen entitled the heart-rending chapter of Byloe i dumy in which he tells about the death of his mother and son in a shipwreck after a poem (1846) by Hugo. Its lines 5-6 are used as an epigraph and lines 13-15 are quoted near the end of the chapter. Here is Hugo's poem in French:
Oceano Nox
Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont evanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle ocean a jamais enfoui ?

Combien de patrons morts avec leurs equipages ?
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout disperse sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abime plongee,
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargee ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Nul ne sait votre sort, pauvres tetes perdues !
Vous roulez a travers les sombres etendues,
Heurtant de vos fronts morts des ecueils inconnus
Oh ! que de vieux parents qui n'avaient plus qu'un reve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la greve
Ceux qui ne sont pas revenus !

On demande " Ou sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque ile ?
Nous ont' ils delaisses pour un bord plus fertile ? "
Puis, votre souvenir meme est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la memoire.
Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre ocean jette le sombre oubli

On s'entretient de vous parfois dans les veillees,
Maint joyeux cercle, assis sur les ancres rouillees,
Mele encore quelque temps vos noms d'ombre couverts,
Aux rires, aux refrains, aux recits d'aventures,
Aux baisers qu'on derobe a vos belles futures
Tandis que vous dormez dans les goemons verts !

Bientot des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits ou l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encore de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur !

Et quand la tombe enfin a ferme leur paupiere,
Rien ne sait plus vos noms, pas meme une humble pierre
Dans l'etroit cimetiere ou l'echo nous repond,
Pas meme un saule vert qui s'effeuille a l'automne,
Pas meme la chanson naive et monotone
Que chante un mendiant a l'angle d'un vieux pont !

Ou sont-ils, les marins sombres dans les nuits noires ?
O flots ! que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutes des meres a genoux !
Vous vous les racontez en montant les marees,
Et c'est ce qui vous fait ces voix desesperees
Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous...

Alexey Sklyarenko

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